ELS 2900 2015
Une course d'un nouveau genre... qui s'élève vers les sommets, d'où '' l'Alpine Run''. 70km et près de 7000m de d+. ... un tracé qui a du sens, avec une Traversée Intégrale du Pays Andorran en reliant tous ses plus hauts sommets. Un défi vraiment symbolique qui n'est pas à la portée du commun des mortels. Un tracé de Haute Montagne, de refuge à refuge, consistant à relier ces 7 sommets à 2900 du Pays Andorran, d'une seule traite, avec quelques pics Bonus (12 sommets au final). ''No Short Cuts'', tout est au plus direct : si c’est plus rapide en allant tout droit, on quitte le sentier ... si ça va plus vite par la crête, on prends la crête ... pur, technique, physique ... de la vraie montagne, un vrai défi ...et qui prend du sens au fil des km lorsqu'on parvient à franchir les sommets les uns après les autres... plus que 6 ... plus que 5 ... Réservée aux coureurs expérimentés et aguerris à la Montagne, pour être capable de franchir quelques passages techniques sans pour autant mettre en péril sa propre sécurité et/ou celles des coureurs-bénévoles présents. La facteur sécurité est un des premiers éléments. Ensuite, il y a le côté aventure humaine, partage de moments en Montagne, avec 2 jours en immersion complète, avec nuitées en Refuge au départ et à l'arrivée. Nous sommes donc au final 50 à avoir été retenus (dossiers à présenter pour faire valider ses compétences) pour tenter cette Édition 1. Un concept rare.
Des coureurs de 10 pays différents (Italie, GB, Tchéquie, PaysBas, Canada, Belgique, Pologne, Espagne, France, Andorre) et quelques coureurs à gros palmarès que ce soit en Ultra (Oscar Perez, Zigor Itturieta, Francesc Solé ...) ou en Skyrunning (Jokin Lizeaga, Andy Symonds, Martin Gaffuri, …), mais aussi des grimpeurs, des alpinistes, des skieurs …profils divers et variés, mais avec tous une passion commune pour le dépassement de soi en Montagne, voilà le plus important. Une approche ''montagne'' : le seul matériel obligatoire est : 2 longes avec 2 mousquetons, 1 baudrier et un téléphone. Pour le reste, l'expérience de chacun laisse une autonomie qu'on a tendance à perdre sur les épreuves ''classiques''... à chacun libre de partir en mode ''minimaliste'' ou pas... on responsabilise le coureur, il faut avoir parfaite connaissance de milieu (et du parcours) dans lequel on s'engage, sans toujours se laisser porter par une organisation qui doit être responsable de tout …j'apprécie énormément cette prise de position. Départ à minuit un 30 Octobre à 2200m d'altitude ... direction une première ligne de crête à 2700-2900 à 1h du mat... puis km25, vers 4h, neutralisation pour passer une Via Ferrata (http://viafer.play.free.fr/via/roc_del_quer.htm) à la frontale... puis des passages ''caillouteux'' et ''raides'' sur tous les sommets ... et un final exceptionnel : une superbe ligne de crête (cotée PD/PD+ en alpinisme et sécurisée intégralement pour l'occasion) pour se diriger vers la Coma Pedrosa, mais qu'il faudra mériter en passant une barrière horaire fixée à 16h30 (exigeante) ...
Immersion dans les Montagnes Andorranes garantie. ''NO SHORT CUTS'' ... 100% Pyrénées … Un concept à part... mais qui me correspond tellement bien !
Je rêvais sûrement de pouvoir disputer une épreuve de ce genre, à l'image des plus beaux ''Off'' que j'ai pu réaliser comme Gavarnie-Gabas (2012) ou la Quinte Floche en Ossau (2013) … un défi physique et symbolique avec un vrai engagement technique. Chacun doit trouver le format qui lui convient le mieux … le mien n'est pas très conventionnel … alors avant même de commencer, merci aux organisateurs d'Els2900 Alpine Run pour cette initiative complètement folle ... Lancer une course sur ce genre de terrain ! Un souvenir à jamais que d'avoir participé à la première Edition.
RECIT DE COURSE
'' Els2900AlpineRun 2015...AMAZING !! ''
Une course complètement improbable mais devenue réalité grâce une équipe formidable autour de Matt Lefort et Carles Rossel. Incroyable travail et engagement de leur part, de grandes compétences et des convictions affirmées. ''Pure Ultra Skyrunning'' (appelons ça comme on veut...)comme je n'en avais jamais vu ... mais qui confirme mes véritables aspirations. Je ne suis pas un coureur au sens propre du terme, ce que j'aime, c'est ça, un défi physique qui a du sens, avec une finalité, et avec un mix de course et de Montagne pour gravir et enchaîner des sommets...
Cela fut plus qu'une course, ce fût une formidable aventure dans ces Montagnes Andorranes. Une Aventure avec un grand A... sportive et humaine. Une Aventure partagée une fois de plus avec mon père, celui qui m'a transmis cet amour de la Montagne, cette passion et quelques compétences en la matière et un bon héritage génétique par la même occasion... puis un groupe (Organisateurs, Coureurs, Bénévoles et Suiveurs) de 50-60 personnes, avec 10 Nationalités ... partageant tous cette même vision de la Course en Montagne. Un partage inoubliable.
ACCLIMATATION
On a donc démarré le Vendredi, vers 11h (après le rdv à 10h au QG et un départ à 4h depuis la maison...la journée était déjà bien entamée). Une marche d'approche de 3h et 1500md+ (histoire de se mettre en jambe...une broutille …) pour se rendre au Refuge Estany de La Perra, refuge frontalier entre Catalogne et Andorre, lieu de départ de notre défi à venir.
Une ballade parfaite pour parfaire son Espagnol et son Anglais ou essayer de décrypter de l'Italien et du Catalan... premiers contacts. Direct dans le bain. Les conditions étaient en plus magnifiques. Un temps d'été en ce 30 Octobre … une chance inouïe alors que 48h avant, il était tombé entre 10 et 20cm de neige en altitude au même endroit !
Arrivés vers 14h00, un excellent repas au refuge, puis une bonne sieste ... avant que le briefing nous rappelle la raison pour laquelle nous sommes là ... un défi complètement fou ! Matt va à l'essentiel, ce ne sera pas une partie de rigolade, ''vous allez en chier! … mais vous allez aimer !'' … on s'en serait pas doutés tiens! De nouveau un excellent repas vers 19h30 … puis de nouveau une bonne sieste (jusque là la vie est belle !! C'est plutôt cool Els2900 en fait! Ce moment au Refuge fut un vrai bonheur).
RACE PART #1
START / CANILLO
Mais à Minuit, nous y voilà. Il faut sortir du duvet, il faut sortir du refuge … les conditions sont parfaites (nuit claire et une lune qui nous offre une superbe lumière), mais il fait pas loin de 0° quand même...ça remet les idées en place ! Le départ est imminent, la peur au ventre ... le défi est de taille...nous y voilà. Je me dis surtout que je suis un chanceux de faire partie de cette aventure. Nous sommes en quelque sorte les ''pionniers'' de ce Els2900 …ça me motive énormément et me donne du recul sur le départ qui va suivre.
Le départ est déjà à l'image de l’événement : pas de musique, pas de chichis, juste un décompte en mixant catalan/espagnol/français... 4 cailloux pour donner la direction, et nous voilà lâchés (quelques cris retentissent... comme une libération tant attendue) en pleine nuit en Haute Montagne.
Les repères habituels sont perturbés avec si peu de coureurs, les premiers sont déjà loin, et les derniers pas tant que ça. Toutes les frontales sont visibles très loin avec ces superbes conditions, c'est magnifique. Chacun prend son rythme, direction le premier des #2900, la Portelleta. Ce début de course (jusqu'au Km25) est annoncé ''roulant'' ; quand au bout de 45' tu commences déjà à poser les mains dans des couloirs bien raides, à t'accrocher à des chaînes, à faire quelques pas d'escalade, à faire l'équilibriste en descente … tu te poses des questions pour la fin du périple... et tu gères pour garder des forces surtout ! Je suis parti en retrait, puis dès que les pentes ont durcies et les descentes sont devenues un peu plus techniques, je suis remonté petit à petit, sans trop le vouloir. Je me surprends même a doubler Andy Symonds, mais il semble parti en ballade pour le moment. Il a bien raison. C'est juste parfait ce début de couse. Je remonte finalement pas mal de places entre les Pics de Setut - Pic de la Portelleta (#1 dels2900) et le Refuge de l'Illa sur cette section déjà bien engagée, rendue surtout très délicate par les quelques plaques de glace qui se sont formées dans les versants Nord avec le froid et les petits restants de neige des jours précédents. Je me régale. A ce stade, je gère totalement mon effort, avec une bonne hydratation, une bonne alimentation (qui me vaudront quelques pauses)... toujours seul dans la nuit... ce que j'apprécie énormément. Après cette première section de crête ''roulante'', se profile une belle descente de 1000m d- et un sentier en balcon pour rejoindre Canillo Km25. Les km les plus faciles du tracé. La descente s'avérera finalement très raide, et un petit souci de frontale ne m'aidera pas à descendre paisiblement... au bout de 3h de course ma batterie se coupe ne. Heureusement j'avais emporté ma vielle Petzl TikkaPlus à 3leds que je tiendrai dans la main pour finir cette section. Personne devant … mais toujours personne derrière, alors que je ne vais vraiment pas vite sur ce tronçon. Un signe de forme ??? … la question ne se pose même pas à ce stade là. Je savoure ensuite ces 5km à flanc (les seuls du parcours) sur ce magnifique sentier en balcon (le seul du parcours), au dessus des villes éclairées (les seules qu'on verra du parcours) … le sentiment que la course n'a pas encore démarré malgré déjà 3h de course (1500md+ - 2300md- tout de même) ... la suite me donnera raison...
3h40, arrivée à CANILLO, Km25. Premier Ravitaillement. Je prends mon temps, mais sans m'éterniser car en fait j'avais tout sur moi jusque là. Arrivent les coureurs Anglais (Es Tresidder) et Italien (Nicola Bassi)... ça me remet dans l'ambiance de l’événement ! Trop bon, je savoure... On récupère ici notre baudrier, notre casque et nos longes Via Ferrata. Courte liaison jusqu'au pied de la voie (où je me suis légèrement perdu et j'ai du faire un azimut tout droit pour me récupérer) et je vois mon père. Ca fait toujours plaisir. Photo. ''Le premier est à 40' !!'' … '' ah quand même !!''... c'est beaucoup, mais je m'en fous un peu à ce stade... et là on m'annonce 5ème !! ???? Encouragements de Matt. Il me trouve frais. J'espère bien !! … Incroyable, je ne m'y attendais pas du tout, car les frontales étaient vite bien éparpillées et le cheminement sur les parties basses ne donnait plus d'aperçu. Je tente de faire abstraction du classement... même s'il est bien dans un coin de ma tête désormais ... Cap sur la seconde section, Canillo (Km25) – Refuge de Sorteny (Km42), avec la Via Ferrata et les Pics d'Estanyo (#2 els2900) et de La Serrera (#3 els2900).
RACE - PART #2
CANILLO - SORTENY
La Via Ferrata est sur le parcours, mais chaque coureur dispose de 55' pour la réaliser. Un point de règlement important qui permet de profiter et non faire la course sur cette section, ce qui pourrait mettre en péril la sécurité. Ceux arrivés avant le temps imparti doivent attendre à la sortie de la voie. A entendre ceux qui l'avaient testé les jours précédents, ça passe largement. Je vais donc en profiter pour récupérer encore davantage. Je profite d'une belle vire pour m’asseoir et sortir mon gâteau sport Meltonic au chocolat … un vrai délice... c'était presque l'heure du petit déjeuner! Le ¼ du gâteau d'un coup! Je laisse passer les 3 coureurs qui me précédaient, et reste ensuite derrière eux dans cette Via Ferrata. 300M verticaux dans la paroi au dessus de Canillo illuminé, splendide !
Un petit passage déversant pour nous rappeler que c'est pas non plus une promenade, il faut pousser sur les jambes à chaque barreau, il faut tirer sur les bras … des forces qui pourraient manquer par la suite... et nous voilà à la sortie au Mirador. 50' de montée pour moi. Les bénévoles m'annoncent un départ dans 5', parfait, juste le temps de me préparer… alors que ceux qui m'ont doublé doivent donc attendre au minimum 10' … un calcul que j'avais bien anticipé !
Je récupère donc ce que j'avais laissé dans mon sac : GoPro, Bâtons Leki Carbone 3 brins, Ravito, tout était prêt. Il est 4h45, il fait encore nuit, ça repart, pour des choses plus sérieuses bientôt...
Sortie de la Via, une longue montée vers un Pic Bonus, celui de Casamanya Nord (2730m). Une belle montée de 800d+, tout droit sur une large crête boisée au départ puis en herbe par la suite. Je prends un bon rythme avec mes bâtons, sans affolement. Je suis seul de nouveau. A mi-pente environ, j'aperçois 2 frontales devant moi... que je reprends petit à petit … pour finalement arriver à leur niveau juste avant le sommet. Il s'agit du Catalan Jordi Gamito et du Basque Ander Cangas. Ce que fait Jordi est à mes yeux complètement incroyable : il est là 8 jours à peine avoir bouclé un Grand Raid de la Réunion à la 6ème place et obtenu un top5 à l'Ultra Trail Wolrd Tour 2015 ! ... Quelques échanges, puis je file, mon rythme est bon, sans forcer pour autant plus que ça...faut savourer. La section suivante sera peut-être finalement la plus délicate (la plus exposée du moins) de ce tracé 2015, du fait des conditions du jour. Le peu de neige restant des jours précédents est complètement gelé, et nous devons faire face à des descentes et devers très exposés pour rejoindre la Collada dels Meners, après le passage du second 2900, le Pic d'Estanyo. Une belle ligne de crête de nouveau, une section d'environ 2h30 entre Casamanya et le Col dels Meners !
Pic de la Serrera en haut à gauche - Vue de jour
Vue de l'autre côté - du point d'où nous venons - Première lueurs du jour
Malgré 2-3 glissades, je me suis engagé, avec la volonté de toujours continuer, car pour moi s'arrêter rend parfois la chose plus difficile. Grâce à un balisage réfléchissant parfait (1 balise tous les 10m!), on distinguait 5-6 balises d'avance, ce qui donnait un axe de direction. Ainsi, je me suis écarté plusieurs fois de la ''trace'', pour aller chercher des zones plus en roches (car je n'avais pas pris les crampons) et ainsi contourner les grosses plaques de glace. Des passages vraiment délicats, mais je m'attendais un peu à ces conditions de Montagne à vrai dire, je n'étais pas surpris. J'ai eu des pensées pour l'ensemble des coureurs... et au final, aucun problème (et personne ne s'est plaint de quoi que ce soit surtout...), ce qui est bien signe de la compétence de l'ensemble des coureurs retenus. Cette ligne de crête entre Casamanya – Estanyo et Serrera est de toute beauté. Il y a de la place, on chemine tantôt à droite, tantôt à gauche, quelques couloirs … et les panoramas sont superbes. A l'horizon, les couleurs changent avec les premières lueurs du jour. J'attaque l'aller-retour au Pic de la Serrera.
Je ne croise personne, donc je me dis que les 2 premiers sont quand même bien loin (je pensais donc être 3ème, puisque personne ne m'a dit que Ruiz Zigor avait abandonné après la Via!). Pointage au sommet du Pic de la Serrera (#3 els 2900). Il est 7h25. Je suis à cheval entre l'Andorre et la France, sur la frontière Ariégeoise. Je me ravitaille 2 minutes avec les gentils bénévoles et leur chien (qui ont dormi au sommet!!) , et en l'espace de 5 secondes, le soleil passe la ligne de montagne à l'horizon et vient nous éblouir... un moment paisible et magnifique de cette traversée. Que la Montagne est belle et appréciable dans ces instants. Me voilà reparti pour une belle descente vers le Refuge de Sorteny, plutôt roulante - avec un sentier du moins (ça change) ; lors de l'aller-retour au Pic je croise Jordi et Ander, qui ont aussi le sourire. Un encouragement réciproque, et je bascule dans le Val de Sorteny. Je croiserai un isard et rien d'autre d'ici le refuge. Je suis encore super bien, je respecte mes prévisions, déjà 3 sommets de gravis dans notre périple (motivation)... mais je sais que le plus dur est à venir...(ne pas s'emballer)
8h03, arrivée à SORTENY... 37' derrière Jokin Lizeaga … à qui j'ai finalement repris 5' depuis Canillo (c'est pour faire le malin un peu). Son rythme effréné ne pouvait pas non plus durer sinon il bouclait le parcours en 11h !! Mon père est de nouveau là, avec Matt, Carles, et toujours des bénévoles aux petits soins, c'est top. Je peux vous dire que je me suis lâché sur les sushis ! J'avais jamais vu ça sur un ravitaillement, et franchement c'est excellent. Un régal.
Je savoure cette pause, car je garde en tête le restant du parcours (je reperds donc 5' sur Jokin assis sur ma chaise en mangeant des sushis...) ... avec une section à suivre à bien négocier avec la FontBlanca, et surtout une dernière section terrifiante avec 3 sommets, des cols, des murs et la crête finale... nous sommes encore très loin du refuge de Coma Pedrosa …
RACE - PART #3
SORTENY / ARCALIS
Petit Matin. Km42. Direction la FontBlanca. Pour y parvenir, il faut remonter la Vallée de Rialb sur 3-4km. Le genre de terrain que j'ai du mal à gérer habituellement : si tu marches t'avances pas, si tu cours tu te grilles … j'ai donc joué l'alternance. Les sensations sont toujours excellentes … le rythme me semble plus que correct. La vallée tourne vers la gauche... et au loin, un mur se dresse devant nous. Je m'amuse à chercher le cheminement … impossible à trouver. Une fois au fond, cherchez plus, c'est tout droit ! Il reste environ 700md+ jusqu'au sommet … mais sur environ 1,7km... On commence sur un gros pierrier faits d'énormes blocs... idéal pour la proprioception.
Tu récupères une ligne de vie pour une traversée sur une belle pente herbeuse, et là tu tombes sur un poste de bénévoles (toujours aussi charmantes), perdu au milieu de rien … mais pourquoi un PC à cet endroit ?? … je repars, et là je comprends très vite. Une boucherie. Montée dans un couloir herbeux à plus de 50°, à la corde, tout à la force des bras et des cuisses. Les bâtons me font ch..., un passage qui marque. T'es obligé de tout donner, y a plus de gestion, faut que ça monte ! Et là je croise le cameraman (ils ont été bien rencardés pour se placer aux endroits stratégiques semble-t-il!)... je lui lance un petit commentaire... Rien de technique en soi, mais un passage à la Barkley qui aura marqué tous les coureurs !
Tu sors du couloir, que nenni, il en reste encore. Tu remanges du pierrier, le genre qui glisse sous les pieds cette fois ; tu avances, tu recules, tu avances, tu recules... et arrivé au col, il reste l'accès au sommet par la ligne de crête … heureusement qu'un semblant de sentier permet d'y faire des virages …
Il est 9h50, me voilà au sommet de la FontBlanca, sommet #4 dels 2900 !
Cette ascension laisse obligatoirement des traces. Je profite de nouveau quelques instants pour me ravitailler et profiter de ce panorama à 360°, des lacs Ariégeois que nous surplombons, des sommets que nous venons de gravir (Serrera #3 et Estanyons #2) …et de ce qui nous attend au loin, derrière la station d'Arcalis ... plus que 3 !!
La suite du tronçon passe par une superbe arête à descendre (pas trop exposée, juste technique) jusqu'au col en dessous, un gros mur à descendre dans un éboulis dégueulasse, puis une longue traversée sur 3-4 km de petits sentiers techniques pour rejoindre Arcalis, Km57, dernier Poste de Ravitaillement. J'entame la descente, esthétique, puis d'un coup, une grosse pierre bascule sous mon pied gauche et me propulse en avant. Pour le coup tout aurait pu basculer en moins d'une seconde ! Je viens de faire une roulade avant dans ce pierrier … ''aïe'' … mais je suis debout... la tête n'a pas touché... ''ouf ''... une douleur me lance sur la cuisse droite … ''aïe''... comme une énorme ''béquille'' sur le quadriceps. La flexion est douloureuse … je marche... donc ça va passer... Avec le collant je ne vois rien, et je ne cherche même pas à regarder. Grosse montée d'adrénaline, mais je poursuis en marchant dans un premier temps. Ça me rassure, je marche … donc ça va. Mais je suis un peu calmé... la suite sera finalement le début de la fin, comme si cette chute m'avait vidé d'un seul coup de toutes mes forces (c'est peut-être la montée précédente quand même...)... et cette traversée vers Arcalis la partie la plus pénible pour moi sur cette aventure. Les lieux sont superbes avec ces Lacs et de beaux panoramas, mais la vue de la station au loin me décourage … j'ai un mental de moineau dès que la pente s'adoucit … j'aime pas ça !! Du coup, je gère... je prends mon temps sur cette traversée, avec le souci de m'alimenter (les noix de cajou passent toujours bien), en pensant à ce terrible dernier tronçon qui nous attend. Les kilomètres avancent quand même … et si je commençais à penser à un podium ?? Peut-être... mais pour cela il ne faudra pas sombrer ! Alors je garde le cap.
Arrivée à Arcalis vers 11h00. Le Jack est là bien sûr. Sushi, Boisson énergétique, eau gazeuse (pour les crampes) … je dévore. Je suis bien entamé désormais. Jokin est passé avec 1h04 d'avance... il souffre semble-t-il aussi, mais quelle démonstration depuis le départ.
J'apprends officiellement que je suis 2ème, car dans ma tête Zigor était toujours intercalé … même si je trouvais bizarre de ne jamais l'apercevoir ni même qu'on me donne aucun écart... je suis donc partagé entre penser à ma ''survie'' (car oui sur Els2900 le final relève de la ''survie'') et songer à faire un superbe résultat... il reste un gros morceau. En avant. Il faut avancer !
RACE / PART#4
ARCALIS / FINISH
Cap sur le dernier morceau … et quel morceau ! Un petit 15km avec 2000m de d+, du couloir, des cols, et les parties les plus techniques du tracé surtout, avec cette Cresta dels Malhiverns pour rejoindre le dernier sommet de la Coma Pedrosa. Mais avant ça, il y a surtout de belles ''bavantes'' pour rejoindre ce secteur Nord-Ouest de l'Andorra. La remontée de la station d'Arcalis n'est pas la plus belle partie du parcours, mais elle a le mérite de permettre de digérer les sushis ! … car après, plus de répit jusqu'à la fin. On doit dans un premier temps gravir un col et la montée ombragée et encore toute en glace. C'est pas comme si on avait déjà 11h d'efforts et près de 5000d+ dans les jambes (sans oublier la broutille de la veille et ses 1500+)...il faut s'employer. Régulièrement mais sûrement, je monte. Mon seul objectif est de faire une pause à chaque col désormais. Je sens que le ''moteur'' a besoin de beaucoup de gasoil désormais... je puise dans les réserves ! Je bascule, je retrouve le soleil. Une superbe descente bien raide sur le Lac superbe de l'Angonella… mais dans un trou bien perdu … et là tu comprends vite qu'il va falloir remonter quelque part !! Pas longue la montée suivante … presque anecdotique dans le profil de course, un petit 200md+ … mais peut-être encore un des passages qui m'aura marqué le plus. Droit dans la pente, dans des petits cailloux qui roulent sous les pieds, tu dois sans cesse chercher à trouver les bons appuis, tu mets le pied en travers...un vrai calvaire. Je casse un bâton à mi-pente en plus ! Pas grave, je continue sur un demi-bâton jusqu'au col... allez, ça passe ! Chaque passage de col est désormais une victoire vers l'arrivée. J'en suis là. Petite pause et ça repart. Une belle descente vers le Pla de l'Estany … alors qu'il faudra remonter tout à droite ensuite ! … là j'aurai préféré passer par les crêtes... tout descendre pour tout remonter, c'est dur pour mes nerfs … je fais une pause au PC. J'en profite même pour mendier un bâton au bénévole en Poste... je suis désespéré de remonter ces 900m vers le Pic de Médacorba sans mes précieuses cannes... il me sauve ! Merci beaucoup !! Encore une pause ravito, et ça repart. Je me fixe un nouvel objectif à court terme... les Lacs Forcats. Je me dis ensuite que je vais retrouver ce que j'aime, ce pour quoi je suis venu, des sommets, de la crête, de l'engagement ! ''Aux Lacs, c'est gagné !'' ... Je me motive comme je peux... je ne vais pas bien vite, mais j'avance encore... je double quand même 2 randonneurs (ça rassure un peu) … et voilà les Lacs ! Comme une délivrance...la motivation (et les forces) vont revenir pour la fin de l'aventure. Je pointe au Col de Médacorba, pour une nouvelle petite pause. Je sors mon arme absolue, des Dragibus. Ça fait bien rire les 2 bénévoles. Je suis donc toujours 2ème. Là je commence à y croire. Ce serait tellement génial... Cette fois ça devient vraiment mon objectif de fin de course ! Ce final sera époustouflant. Cap sur le Pic de Médacorba (#5 Els2900). Minéral, brutal... direct. 200Md+ tout au plus en A/R, mais sublimes. Un cheminement tortueux à la montée, la ligne de crête la plus époustouflante au sommet sur 50m (on se tient debout sur une crête effilée des 2 côtés), une descente sur corde au départ, et retour au col. 30' pour moi cet A/R. Et surprise, mes poursuivants (a priori Jordi Gamito et Andy Symonds) ne sont pas passés au PC ! Ça sent bon ça. De quoi me motiver de nouveau pour le morceau suivant. Cap sur la Roca Entravesada.
Encore un mur, guère plus de 200m d+, mais Face Nord cette fois, avec énormément de neige et de glace. Nombreuses cordes pour aider à l'ascension. Tout est sécurisé au maximum. J'ai une pensée pour les derniers qui passeront de nuit, lorsque la neige sera transformée en glace … ça risque d'être épique... je reprends du plaisir !
Me voilà au sommet.Roca Entravesada (#6 Els2900), peut-être le plus beau sommet du tracé à mes yeux, avec cette montée Face Nord et la poursuite par la ligne de crête vers le Pic de Baiau ! J'arrive à la bifurcation pour m'engager sur l'arête.
Nous serons au final seulement 9 à passer la barrière horaire pour passer de jour. Sélectif. Je sors mon baudrier (enfin celui de Matt, qui au passage m'a fait gagner 350gr grâce à son baudrier de ski alpi... Merci Matt !) et mes longes-mousquetons. Je m'équipe et je file par l'arête. Un grand moment. Complètement équipé par des Guides de Montagne figures des premiers records en Skyrunning du côté du mont Blanc et du Mont Rose dans les Alpes, … tout un symbole encore ! Je savoure tout en progressant. Un grand moment que de se dire que nous sommes en course sur un passage si engagé. C'est énorme. Je croise Jordi Sarragoza, The photographe Trail et Skyrunning Catalan, bien accroché et présent pour immortaliser cette première de superbes clichés !
Finalement ça passe presque trop vite … peut-être 20' pour la crête jusqu'au Pic de Baiau ? La jonction vers la Coma Pedrosa est plus évidente... et me voilà au sommet de l'Andorre ! #7 dels 2900 !! Le défi est relevé !! Quelle joie... l'adrénaline de ce passage prend le dessus sur la fatigue. La douleur à la cuisse est oubliée (presque). Je vais réussir à boucler ce chantier !! Je savoure quelques instants. Il me reste à descendre jusqu'au Refuge de Coma Pedrosa. Je me mets toujours la pression quand à mes poursuivants (car on a aucune info) … ce serait quand même dommage de me faire doubler désormais, mais ça m'est déjà arrivé, donc il me faut quand même finir correctement. Ce secteur, je le connais bien ANDORRA TRAIL 2012– ANDORRE 2010) et du coup j'ai trouvé assez long... mais le rythme est resté correct. Pas de douleurs aux pieds, pas de crampes, pas de douleurs aux genoux … juste une petite douleur à la cuisse et surtout une énorme fatigue générale ! Ce parcours est un véritable rouleau compresseur. Il te brise, il te vide... il faut s'employer à tous les instants … et j'en vois le bout ! 400m de replat puis la remontée finale vers le refuge ! On trouve forcément les dernières forces … le comité d'accueil est là, en toue intimité. Mon père, les organisateurs Matt, Carles et Joan … et les gardiens du refuge. Tout simplement. Une véritable délivrance, avec beaucoup d'émotions. Le sentiment d'être venu à bout d'un superbe défi, d'avoir partagé de nouveau une belle aventure avec mon père, d'avoir fait une course comme je l'avais toujours rêvée, et avec à la clé un podium entouré de grands champions de renom … complètement incroyable !
Tout se mélange, la joie, le bonheur, mais aussi la souffrance et la douleur … j'en ai fait des Ultras (depuis 10ans désormais et cet UTMB2005)... mais c'est complètement différent, c'est autre chose, …
CLASSEMENTS COMPLETS ELS2900 2015
POST RACE
L'aventure Humaine reprend là tout son sens.
A l'intérieur, on partage une bonne assiette de charcuterie et une bonne bière, … c'est pas la grande fête (un peu calmés les types quand même), c'est sobre mais très chaleureux. A chaque arrivée des uns et des autres (nous aussi on a fait Halloween avec un joli défilé de Zombies), on sort du refuge pour accueillir les arrivants. Il y a du respect. Il y a de la joie ... et de la fatigue ... Les heures passent et les arrivées de nuit seront mémorables.
Des guerriers qui reviennent de là-haut. Les démarches sont boiteuses, mais les sourires des coureurs et des organisateurs en disent long ! Un excellent repas servi magistralement au compte-goutte par Margareth et Sylvain les gardiens, encore 2-3 bières, des échanges en espagnol, anglais, français … puis à 23h30, Paul arrive. C'est le dernier finisher. Comité d'accueil comme il se doit, avec Jokin et une bouteille de Champagne qu'ils ont ouverte tous les deux... superbe moment, partagé entre nous... inoubliable... la boucle est bientôt bouclée.
Une courte nuit de sommeil (mais sommeil quand même) dans ce refuge de Coma Pedrosa tous ensemble. Le soleil est toujours au rdv ce Dimanche Matin, pour nous permettre une Remise des Trophées en altitude, à 2500m, sur un gros caillou faisant office de podium... authentique !
Vers 11h, coureurs et bénévoles présents descendent tous ensemble pour 1h de marche et 700d- histoire de dérouiller la machine et surtout échanger encore et encore entre nous. Une interview en Anglais pour notre ami Polonais pour moi (mieux vaut pas tomber sur l'enregistrement), des échanges ''montagne-pyrénées'' avec Paul, discussions sur les courses basques avec Gozon... presque trop court et l'aventure va bientôt s'achever ! Retour au QG à Andorre-la-vieille pour récupérer les différents sacs de matériel, et l'heure de dire au revoir à tous les protagonistes est déjà venue. 48H hors du temps, avec à la clé une expérience sportive et humaine hors du commun. Time to back home...
Encore Milles merci Matthieu Lefort , Carles Rsll, Joan Prades et tous vos énormes bénévoles ... c'était magique ! Inoubliable. Un engagement incroyable en tant qu'organisateurs.
REFLEXIONS...
Faut-il chercher à ''classifier'' cette épreuve dans le paysage actuel des courses en Montagnes ? Les étiquettes n'apportent jamais rien de bon : Course, Course en Montagne, Trail, UltraTrail, Skyrunning, Alpirunnig, Ultra skyrynuning, UltraSkyAlpinrunning … ça ne veut pas dire grand chose au final !
Des questions vont remonter...
Lorsque le vainqueur fait une moyenne de 5km/h certains diront que ce n'est plus de la course? Pourquoi ? … Quand on fait un TOP10 sur un ultra à 6km/h de moyenne, … est-ce encore de la Course ? … et pourtant ça ne gène plus personne. … à vrai dire, sur ce genre d'épreuve, on ne regarde plus ces données, elles ne veulent rien dire... ces chiffres ne servent qu'à faire parler pour rien dire... la vraie montagne ne s'aborde pas en kilomètres ou en moyenne horaire … donc cet argument de vitesse n'a pas de sens.
Il faut un baudrier? C'est pas de la course ! Si on met un baudrier et qu'on utilise des mousquetons ce n'est plus de la course? Le jour où on a obligé les camel et désormais le surpantalon et bien d'autres accessoires pour courir avec des sacs de 3kg …c'était déjà pour certains passer un mode randonneur et non coureur. La question ne se pose plus pourtant... ce matériel était indispensable sur le tronçon du parcours en question. Il n'empêche pas d'aller vite...
Certains diront que c'est trop engagé ? Tout est une question de référent. Si le référent est la Grande Course des Templiers... effectivement … on est pas dans le même registre. Si on parle de Montagne et d'Alpinisme, cette crête côtée PD/PD+ de 300/400m est une rigolade pour beaucoup d'alpinistes. Là on parle de Montagne, donc le référant devrait plutôt se rapprocher du second point de vue. D'autre part, l'exemple des courses de ski-alpinisme ; ils ne se posent pas ces questions là, ça fait partie de l'activité qui évolue en Haute Montagne, les lignes de crêtes et arêtes avec passages encordés font partie de l'activité... et font les plus grandes épreuves. On ne pose pas la question de savoir si ces épreuves sont accessibles au grand public...
Bref une épreuve inclassable, vraiment hors catégorie … AMAZING !!!!!
Toutes les courses ne sont pas destinées à tous les coureurs. .
Longue vie à Els2900AlpineRun.
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