Le Blog du Lémurien

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RECIT / TRAVERSEE DES PICOS DE EUROPA

 

TRAVERSEE DES PICS D’EUROPE 2012

 

 

74KM  -
  D+6600m – D-6650m

 

 

 

 

Récit d’une course Ultra de Très Haute Montagne

 

 

 


 

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Cela faisait désormais longtemps que j’espérais participer à cette fameuse Traversée des Picos de Europa ! Depuis début 2011 je pense ! J’avais découvert des infos au hasard via Facebook (y a pas que du mauvais sur les réseaux sociaux !), puis j’avais vu le récit du Grand coureur espagnol Salvador Calvo. En début d’année 2012, à la recherche
d’informations précieuses pour les inscriptions, c’est Oscar Perez Lopez qui m’informe du site à regarder et des dates à ne pas louper. Quelques jours plus tard, avec les potes de la Lemur Team Xteph, Stéphane et Poulet, nous voilà embarqués de ce nouveau défi !!

 

Nous parlons bien de défi, nous avons tous ciblé cette première moitié de saison sur cet objectif, nous nous sommes préparés pour tenter de boucler ce tracé de 74km et 6550m de d+ ! Avant de lire ce récit de course qui vous permettra je l’espère de découvrir un peu plus cette épreuve et ce Massif somptueux, il vous faut tout d’abord lire ce premier article de Présentation. Vous aurez ainsi déjà un bel aperçu de l’ambiance, du parcours, des pentes, pour mieux vous situer dans mon récit !

 

 

 

TOPO DE PRESENTATION A LIRE AVANT

 

 

 


 

 

 

 

Comment je me suis présenté sur cette épreuve ?

 

Un début de saison compliqué, avec des problèmes récurrents au niveau des mollets. Déchirure mal soignée ? Contractures ? J’avoue ne pas avoir eu de réponses très claires … mais pour autant, j’ai toujours eu une très bonne forme physique car j’ai beaucoup fait de vélo et VTT. Depuis la mi-mai, j’ai même enchaîné un cycle complet de 4 semaines avec plus près de 15h d’entraînements/sem, incluant la Traversée du Pays Basque Non Stop à VTT, et conclue brillamment par le Raid Xikint’O le weekend précédent l’épreuve.  Nickel … sauf que le Mercredi précédent la course, à J-3, sur un petit footing anodin juste pour tester le matériel et le sac, énormes contractures au mollet droit (alors que c’est le gauche qui m’embête depuis le début de saison) ! Obligé de stopper la séance, la course est impossible ! De suite, le moral en prends un gros coup …pourquoi se déplacer aux Pics d’Europe dans cet état ? Des heures de voiture pour être bloqué par ces douleurs au bout de 2km ?? Pendant 2 jours, aucun entraînement, je ne préfère même pas tester ou savoir si ça tient ou pas … je
décide d’y aller quand même, car je l’attends depuis si longtemps ! Je ne me fais aucune illusion au fond de moi, mais je préfère ne pas m’écouter, faire comme si de rien n’était … Content d’y être donc, mais un peu dégouté à la fois !!!!! Très compliqué comme sentiment d’avant course …

 

 

 


 

 

 

 

Vendredi 14 Juin 2012

 

 

10h du matin. Nous voilà réunis à Urrugne, en partance pour les Asturies ! La ‘’Lemur Team ‘’ se déplace en force ! Xteph, Bip Bip, Poulet, et Marxtel !! 5 coureurs au départ … combien à l’arrivée ?? Les statistiques tendraient à dire peut être 2 … espérons qu’il en sera autrement ! Tout le monde est à la fois motivé, curieux de découvrir ce qui nous attends dans ce Massif aussi beau qu’exigeant … et un peu inquiet ! Cap sur Arenas de Cabrales !! Autant vous dire que la route est passée vite ! Nous arrivons après quelques pauses sur les coups de 15h00. Formalités des dossards dans un hôtel face au Pico Uriellu (ou Naranjo de Bulnes), tout un symbole ! Le seul point du vue depuis la Vallée sur cette tour tant prisée des grands grimpeurs ! Nous sommes 450 sur les fiches d’inscription. Nous apprenons au passage que nous pourrons disposer d’un sac coureur durant la course, au km 48… dommage de ne pas l’avoir su avant, mais on va quand même s’en servir ! Ensuite, avec un départ à Minuit, nous nous sommes directement rendus sur le site de Départ, à Covadonga, puisqu’il s’agit d’une course en ligne, la TRAVERSEE INTEGRALE des PICOS DE EUROPA . Le nom de Covadonga me parlait déjà puisqu’ils jugent régulièrement des arrivées de la Vuelta aux sommets des Lacs de Covadonga, un juge de paix impitoyable … surement comme notre Tourmalet à nous ! Arrivés vers 18h sur place, nous avons alors pris le temps d’une belle ballade touristique dans le Sanctuaire de Covadonga. Emprisonné des montagnes, Covadonga est un sanctuaire religieux très prisé et magnifique. Cette petite promenade valait vraiment le détour.

 

 

 

 Petit à petit, l’heure tourne. Préparation des sacs, repas au pied du camion, petite sieste au coucher du soleil… l’heure approche !  Toujours inquiet pour mon mollet, Martxel me propose alors de ‘’jeter un œil’’. Au point ou j’en suis, je me raccroche a n’importe quoi ! Il se trouve que Marxtel, sans être kiné pour un sous, a de fortes dispositions pour cela ! Il ressent direct le malaise : ‘’tu as d’énormes contractures en dessous des jumeaux !’’. Et alors ?? … 30’ de manipulation hyper professionnelle, des pressions, des frictions… c’est hyper douloureux par moments mais je sais que mon bof kiné m’avait fait les mêmes manip il y a peu et cela s’était révélé très concluant!. Lorsqu’il en termine, les contractures sont encore là … mais le mollet est beaucoup plus souple. Un bon strap par-dessus sur chaque mollet, les bas de compression encore par-dessus … et on verra bien ! Dans ma tête, je me dis que les 2 premiers kilomètres sur le goudron seront déterminants. Si ça passe là c’est déjà beaucoup. Après je me dis que je ferai le pont en bas de la première grosse descente … au cas où les contractions excentriques soient également impossibles à supporter … beaucoup de questions dans ma tête en fait !!!!! Advienne que pourra à ce moment là !!!!

 

 

 

Côté météo, les conditions du jour étaient parfaites! … à quelques heures du départ les nuages apparaissent, disparaissent, … les prévisions ne sont pas positives … difficile de savoir sur quel pied danser … quel dommage si nous devons découvrir le Massif sans en apercevoir le moindre sommet !! Moins de 30’ avant le départ … il fait bien nuit, il
commence à y avoir une bonne effervescence, les dernières photos de groupe … et nous voilà prêts à partir au milieu de ce peloton Espagnol ! Le contrôle des puces électroniques de chronométrage, les dernières recommandations du Directeur de Course : les conditions météos ne sont pas bonnes ! Malgré les étoiles au dessus de nos têtes, la pluie est annoncé dès le matin … rhhhhhh !! J’essaie alors de récupérer ma Gore-Tex laissée dans le sac du km48 … mais c’est bien trop tard, mon petit coupe-vent devra faire l’affaire jusque là !! … si j’y arrive …

 

 

 

 


 

 

 

Samedi 15 Juin – 00h00 – Départ de la course

 

 

Section 1 – ECHAUFFEMENT

Covadonga (km 0-155m) – Col de Jau Santu (km22- 2115m)

22km – D+ 2340 – D- 450

1 Ravitaillement

 

 

 

 

 

 

 

Je me place volontairement en retrait par rapport aux premières lignes, avec Stéphane. Le départ est donné. Sur ces 2 petits km de bitume, le rythme est rapide !! Comme d’habitude … je trouve ça incroyable, à quoi ça sert !!!!! Peu importe, je me concentre sur mon mollet, mon seul point d’attention. A chaque appui j’essaie de ne pas trop pousser, j’adopte une foulée plutôt rasante … les contractures sont là quand même !

 

 

Rien de rassurant mais la douleur reste la même. A Covadonga, j’attaque le sentier en 30-40 ème positions peut-être. Je comprends alors le départ rapide de certains car ça bouchonne un peu, mais rien de bien méchant, juste de quoi ne pas s’enflammer au contraire ! Je suis obnubilé par ce mollet droit … ça tire … ça tire … mais j’avance quand même … déjà il n’a pas lâché d’un coup comme au Trail Drôme Lafuma, c’est déjà bien !! Une fois le premier mur de passé, ces premiers km varient entre relances, pentes raides, pentes courables … tout ce qu’il ne me fallait pas pour le mollet ! Au niveau forme, je sens que je suis super bien, car je remonte petit à petit, et mon cardio se stabilise entre 145 et 155 seulement (FCMax 185)… mais pour l’instant mon attention est encore ailleurs. Nous faisons route ensemble avec Stéphane, je sais déjà que nous serons en avance sur nos prédictions au Km11, ravitaillement au niveau des Lacs de Covadonga. Sur une base de 13h de course (Top 5 en 2011), je devais passer an 1h45 … et nous y voilà en 1h30 ! … cela me conforte dans mon choix d’être parti tranquillement… beaucoup de coureurs sont à coup sûr sur un rythme beaucoup trop rapide.

 

 

 

Petite pause pour remplir la poche a eau, petite pause technique entre 2 voitures … et nous repartons pour les seuls 3 km de pistes quasi plats de la course ! Là encore, mon attention se porte sur ce mollet, je veille à ne pas trop dérouler, je freine parfois un peu Stéphane … ça passe … ça tire toujours mais ça passe … et nous approchons de la première grosse ascension ! Le moral commence à être bon … le dernier cap à passer sera la grosse descente sur Cain ! Si la douleur reste encore stable, alors je ne serrai pas embêté plus que ça ! Juste des sensations ‘’bizarres’’ mais qui ne m’empêchent pas du tout d’avancer à un bon rythme ! C’est bien l’essentiel, je me rappelle que la veille ou il y a seulement quelques heures, je n’y croyais pas du tout !!

 

 

Km14. Cette fois, on attaque sérieusement la Montagne. Je rentre dans mon univers ! On passe en mode marche, les bâtons sont de rigueur, on attaque droit dans la pente. Il y a 900m de d+ pour arriver sur la partie haute. Petit à petit, sans trop m’en rendre compte, j’adopte un rythme assez soutenu, tout en contrôlant mon cardio toujours vers les 155 puls/min. Stéphane temporisera quelque peu … désormais chacun fait sa course, c’est plus sage pour chacun !! Petit à petit, je me focalise de moins de moins sur
les tensions, et savoure ces moments en Montagne en pleine nuit. Les étoiles sont toujours là, on distingue les sommets. Je remonte des coureurs petit à petit, mais difficile de savoir où j’en suis ? J’aperçois bien quelques lumières rouges clignotantes devant … mais je ne m’en soucie guère. Ce qui m’a beaucoup surpris sur cette portion de nuit, c’est surtout le nombre de personnes de l’organisation postées dans la Montagne ! Impressionnant ! Toutes les 10’, au détour d’un rocher, d’un virage, une frontale nous éblouis et quelqu’un est là pour s’assurer que tout va bien, pour un mot d’encouragement !  L’organisation est bien rôdée, la sécurité apparaît comme une priorité, … nous sommes en des terres de Montagnards, cela ne fait aucun doute.

Sur le haut de l’ascension, un vent terrible commence à souffler. Sur certaines portions dégagées, il fait vraiment froid. Très vite, je prends le temps d’une petite pause pour enfiler mon coupe-vent. C’est plus sage. Nous sommes à 2000m d’altitude. Les premiers névés font leur apparition… la Haute Montagne est à nous ! Avant la bascule vers Cain, cette première section de course se termine par un enchaînement de montées-descentes de plusieurs petits cols. Tout est minéral, les névés sont nombreux, certaines portions bien pentues se descendent tout droit ! Il faut un peu faire l’équilibriste mais la qualité de neige est idéale, juste comme il faut !
Je me régale sur cette portion, entre neige et cailloux, seul dans la nuit étoilée à plus de 2000m d’altitude… que demander de mieux !!  Sur le dernier col, tout à coup, une pente
verticale s’incline devant nous, et les lumières du village apparaissent, 1600m en contrebas ! C’est stupéfiant cette verticalité ! Les lumières semblent à la fois si proche et si lointaines … une toute autre course va débuter dans ma tête !  Toujours est-il que cette première section ‘’d’échauffement’’ avec 2450m de d+ était superbe ! Les tiraillements ont tendance à stagner, ce qui est encourageant. La forme est super bonne, j’ai respecté à la lettre mon ‘’plan de course’’, bien que je sois plutôt en avance sur mes meilleures prédictions … affaire à suivre !

 

 

 

 

 

 


 

 

 

Section 2 – LA TRAVERSEE VERTICALE !

Col de Jau Santu (km22- 2115m) – Col de Valdominguero (km52-2140m)

26km – D+ 3830 – D-3730 - 3 Ravitaillements

 

 

 

 

Très vite, entre 2 glissades sur les cailloux dans cette pente abrupte, je fais un stop pour enlever le coupe-vent. A l’abri du vent, il fait très lourd ! Les premiers pas de descente sont hésitants, difficiles même tellement c’est technique. Il me faudra un petit temps d’adaptation pour trouver mon rythme dans cette descente infernale de 1600m en moins de 5km ! Je me gère tranquille cette section, sachant que je suis en avance, et sachant ce qui m’attend encore ! je m’applique a faire des petits pas bien rythmés, sans jamais mettre de grosses pressions sur les quadriceps … je savoure ! les lumières de Cain apparaissent et disparaissant au gré du relief, quelques passages escarpés avec un peu de vide sur le côté … je me dis que c’est l’endroit idéal pour organiser un méga km vertical !!! Bien longue cette descente ! Par contre, à peine arrivé au village, aussitôt au
ravito ! Cà c’est bien ! pas de transition. Il est 4h25. J’avais prévu un passage vers 4h45 ou 5h il me semble. Je suis donc largement dans le bon tempo ! A tout hasard, sans rien demander, je jette un œil sur la feuille de pointage, et je m’aperçois que je suis 7ème ! Je ne savais pas du tout où j’en étais, et je ne m’en suis pas du tout soucié … mais l’envie de savoir a été trop forte ! Par contre, je n’ai pas regardé les temps de passage, je continue MA course, sur mon rythme. Après le remplissage de la poche a eau et un petit ravito, c’est reparti.

 

 

 

 La traversée du village doit durer en tout et pour tout 500 mètres … et nous voilà direct dans la pente ! En moins de 8km, 2000m à escalader ! Le départ est super raide, avec quelques passages avec les mains dans des petits couloirs étroits !! Derrière moi, les lumières du village s’éloignent de nouveau, et en face, le serpent de frontales dans la descente vers Cain est de toute beauté ! Assez vite, je dépasse un nouveau concurrent, puis 2 d’un coup … j’ai vite fait de faire les calculs dans ma tête après avoir jetté un œil sur la feuille a Cain pour savoir où j’en suis ! … il ne reste plus grand monde devant !!! Pas d’affolement pour autant ! Je commence à faire abstraction à ces tensions toujours présentes mais peu gênantes au mollet, mais par contre, en l’absence de chemin, je me
concentre sur le balisage ! En effet, il y a très peu de rubalises réfléchissantes à cet endroit, du fait surement que la quasi-totalité des coureurs vont passer aux premières lueurs du jour… mais pour nous, ce n’est pas simple ! Lorsque je repère un de ces nombreux signaleurs en contre-haut avec sa lumière de frontale, je trace alors un tout droit jusqu’à lui, … et ainsi de suite ! J’ai pas trouvé mieux pour ne pas m’égarer … quitte à faire quelques tout droit dans les éboulis par endroits ! J’éteints bientôt ma frontale. J’approche du premier col, celui qui précède la dernière partie vers la Horcada de Cain. Les Hautes Montagnes de ce Massif Central (de Urieles) des Picos se dévoile. De belles aiguilles, de belles murailles, un superbe cirque avec des névés partout ! C’est superbe. Mais où va-t-on franchir ce passage ? Il reste 500m à gravir … nous nous engageons dans le fond du Cirque à travers les névés. Un autre coureur me précède juste… et un autre un peu plus loin devant, à quelques minutes. Je pense que sans le vouloir, j’ai fait une très grosse montée sur cette partie, et cela se confirmera par les temps de passage détaillés. Mais je profite encore à 100%. Derrière nous, les nuages semblent boucher le fond de Vallée d’où nous venons … mais par contre, juste devant nous, on distingue le passage du col … et des couleurs extraordinaires se laissent entrevoir au dessus des névés. C’est rouge, orange, rose … comme si il y avait un gigantesque feu juste derrière le col … mais le soleil semble bien nous attendre ! Je remballe mes bâtons, je sors ma caméra qui jusque là était restée dans la poche de mon short, et je vais alors savourer ces instants ! Cet instant correspond aux premières images du petit film réalisé, des instants magiques en Montagne, difficilement descriptibles.  Le coureur espagnol qui est à mes côtés (Sébastian Sanchez) a du mal à y croire … je m’arrête, le double, je m’arrête … lui continue comme si de rien était, mais je préfère profiter de ces instants de course assez uniques, je sais aussi que la route est encore très longue ! Ce n’est pas du temps perdu j’en suis persuadé ! A partir du col, on aperçoit la fameuse Tour d’Uriellu, le soleil est pile en face, les images sont saisissantes !

 

 

 

 

 

 

 

 Je dévale les névés, caméra au poing … du pur régal de Montagne ! C’est grisant !! Il n’est même pas 7h du matin, on court depuis 7h, presque 4500m de d+ déjà … et c’est que du bonheur ! Les quelques km avant le Refuge d’Uriellu sont passés comme un éclair tellement c’était beau ! J’arrive au ravito juste devant Sébastian, mais le temps de me ravitailler et de faire le plein d’eau, il était déjà parti … le jeu du chat et de la souris ne fait que commencer ! Je savoure cette fenêtre météo extraordinaire, a des années lumières des prévisions les plus optimistes !! C’est tout simplement parfait !

Après avoir salué tous ces gentils bénévoles toujours prêts à vous remplir le sac, à scander ‘’Campeon’’ ou ‘’Makina’’ … me voilà reparti sur les sentiers. Je contourne cette tour qui au plus près devient de plus en plus impressionnante ! il nous faut désormais attaquer l’ascension du Col de la Bonita ; une petite ‘’bossette’’ sur le profil, mais quand même 500m de d+ en quelques hectomètres en fait ! A mes yeux l’ascension la plus dure du parcours, avec ce final dans les éboulis ou on fait un pas en arrière tous les 2 pas tellement la pente est raide ! Mais là encore, le décor est à la
hauteur de la difficulté ! La ‘’tour’’ est désormais dans notre dos, le soleil illumine les sommets, et le Col de la Bonita traverse cette muraille entre deux pics… le cheminement est difficile à deviner d’en bas tellement cela paraît improbable de passer à cet endroit !

 

 

 

 

 

 

Mon rythme est toujours très bon. J’ai repris Sébastian assez vite en bas de la montée, et sur le haut, je reviens même à moins de 2’ sur le coureur précédent (que je croyais être le second … mais qui en fait était le 1er … je me suis gouré dans mes calculs !!! Je ne suis pas Prof de Maths c’est ça …).  J’ai un super rythme dans les ascensions, et au niveau gestion, pas de baisse de régime, tout va pour le mieux encore ! C’est cool ! A la bascule du col, j’aperçois le coureur devant un peu plus bas, l’écart est réduit. Mais avec ma caméra, je suis un peu embêté pour descendre la première partie ! Une corde, un névé, des pierres … et une pente à 50° ! J’opte pour le névé de suite, laissant la corde … et je
dévale encore une foi ce névé, c’est du pur régal !

 

 

 Mais le régal ne dure guère … une fois que les névés ont disparu au fur et à mesure de la descente, les 1300m à dévaler vers Vegas de Sortres (Km48) sont terribles ! Terribles,
par la pente raide et surtout techniquement ! On évolue dans de gigantesques lapiaz, il y a des pierres partout, bien tranchantes et ancrées dans le sol … obligeant à sauter de pierre en pierre sans discontinuer, obligeant à garder une concentration maximale du début à la fin ! Le fond de la Vallée est bien visible et semble assez proche, mais la descente est interminable. Pas un temps de répit, impossible de récupérer si ce n’est en
marchant ! Là encore, toujours des randonneurs et montagnards disséminés dans ces Vallons sauvages pour scander des ‘’Campeons !!’’ Et donner des informations ! Même si je n’ai pas toujours tout compris à ces encouragements en espagnol, j’en ai bien saisi un : ‘’ le premier est à 2’ !!’’ ????? C’est alors que je comprends mon erreur de comptage, je suis en fait en tête de course, à quelques encablures du leader, depuis plusieurs kilomètres, sans le savoir !!

 

 

 

Mais toujours pas d’affolement, je gère à mon allure… il reste près de 4h de course si tout se passe bien, et une ultime difficulté terrifiante à en voir les vidéos des années passées ! Je pointe au ravito en 2ème position donc … et repart comme d’habitude en 3ème position… derrière Sébastian. J’ai pris le temps de me changer grâce au sac d’assistance avec un débardeur tout sec. Me voilà reparti tout neuf pour cette ultime
ascension, qui annonce 1100m de d+ en 3.3km ! Nous sommes encore justes au dessus des nuages, les conditions sont toujours parfaites ! C’est extraordinaire, je savoure encore ces splendides Picos de Europa, à l’amorce du 3ème Massif, le Massif Oriental dit d’Andara.

 

Le début ne semble pas si raide que ça … mais rapidement, on entre dans un cirque dont les parois se dressent devant nous ! Le tracé part au fond du cirque … et la partie finale semble carrément verticale ! Je distingue 2 silhouettes entre 2 rochers tout en haut et comprends alors pourquoi cette montée est si dure à ce moment de la course !

 

 

 

 

 

 

Les bâtons sont toujours de rigueur … mes 2 prédécesseurs sont en ligne de mire. J’enclenche le mode robot, toujours un œil sur mon altimètre pour savoir où j’en suis … et ça pousse toujours fort ! En quelques minutes je repasse Sébastian, et aperçois le leader en contre-haut. En fait ils sont deux, il a ‘’un lièvre’’ pour la fin de course visiblement ! Je mesure la distance qui me sépare de lui régulièrement, et je m’aperçois que je reviens petit à petit ! C’est grisant ! … et presque pas assez long finalement !!! La fin en effet est terrible. Je suis presque revenu sur lui, mais je dois ranger mes bâtons … et je sors ma caméra bien sûr ! Le mur final est de l’escalade ! J’en perdrai même ma caméra !! Les 2 mains étaient utiles !!! Heureusement que j’avais une personne de l’organisation juste en dessous pour m’éviter de descendre la chercher !!! Quelques marches d’escalier dans le névé final, et me voilà au Col de Valdominguero ! Plus de 6000m de d+ sur ces 50km de course, du régal !! Le premier a basculé quelques secondes devant, mais n’a marqué aucun arrêt !!! Je ne me précipite pas pour la peine, il reste encore plus de 20km … je mesure bien l’étendu du chemin !! Cette fois, l’écart avec le 3ème semble plus conséquent cette fois, je ne sais pas si nous nous reverrons ! Place à cette longue descente dans le Massif d’Andara !

 

 

 

 

 


 

 

 

Section 3 – LA DESCENTE INTERMINABLE

Col de Valdominguero (km52-2140m) – Arenas de Cabrales (km74 – 140m)

22km – D+ 350 – D-2350 - 1 Ravitaillement

 

 

 

Le 1er et son ‘’pacer’’ sont juste devant moi, à moins d’une minute, sur les premières pentes de la descente. Dans un premier temps, c’est toujours très technique et minéral. Quelques traversées dans la pierraille, les pentes sont désormais moins brutales ! Ils sont toujours à portée de vue. Je pense encore à ma gestion de course, à mon alimentation … et aux terribles km à venir, avec des relances, des portions à courir que je déteste tant ! en fait je suis un excellent randonneur, pas un coureur !! Bref je m’égare … je poursuis ! On arrive alors encore dans un univers de lapiaz, avec de jolis précipices au bord du chemin ! La trace fait des zig et des zag, l’envie de couper est tentante, mais il en est impossible, sous peine de se retrouver bloqué devant une faille de plusieurs mètres ! Après 30’ de descente environ, nous voilà désormais (certains diront enfin !) sur un chemin courable !! Il faut dérouler jusqu’au ravitaillement, situé à 14km de l’arrivée. L’ambiance va alors changer à ce moment là ! Nous basculons dans les nuages, la visibilité n’est plus que de quelques dizaines de mètres, je ne peux plus savoir où ils sont ! Nous sommes désormais en dessous du refuge d’Andara, sur les 4km de large piste qui mènent à ce ravitaillement. Les sensations sont encore bonnes. J’arrive au ravito … et le leader est là, assis par terre !! Me voilà donc, sans le vouloir, en tête de la Traversée Intégrale des Picos des Europa !!

 

 

Je prends encore une fois le temps de manger des ‘’platanos’’ (bananes) et de boire un coca… mais voilà que Kiko et son lièvre démarrent  aussitôt ! Cette fois, fini de gérer, illico-presto j’emboîte le pas ! Maintenant je vais rien lâcher et tenter le tout pour le tout ! Tous les encouragements sont pour Kiko sur ce ravitaillement, et c’est bien normal, puisqu’en fait c’est le coureur du Village, le coureur membre de l’Association de Montagnards organisatrice ! 9 ans qu’ils attendent la victoire d’un coureur de Cabrales !! Toute la vallée est derrière lui ! Il était favori au départ, aux côtés de Salvador Calvo notamment. Et me voilà en trouble-fête là au milieu ! Le petit français sorti de nulle part qui viendrait gâcher la fête ??? Nous repartons donc tous les 3 (puisque le lièvre est toujours là), pour 14km ; ça commence par 3km de faux plats-descendants, et d’entrée, il m’attaque fort ! Il déroule à forte vitesse, je m’accroche cette fois, je gère plus du tout … le lièvre explose en chemin et nous laisse partir irrémédiablement cette fois ; sur le bas, je me vois obligé de le laisser filer, je tape dans le rouge ! Mais derrière, des petites montées, je le garde à vue, et sur une partie marchée un peu raide je refais la jonction ! La pluie a fait son apparition, le brouillard est dense … la fin de course change du tout au tout comparé au reste de la journée ! La bascule finale vers Cabrales ne se fait qu’à 6km de l’arrivée, les km sont longs juste avant ! Des relances, des montées-descentes où il faut courir, trottiner, … je m’accroche à ses basques ! Mais l’inverse n’est pas possible, je ne parviens pas à prendre la tête. Je m’accroche, il n’arrive pas à me lâcher malgré les changements de rythme… mais c’est de plus en plus dur ! Je trouve cette portion interminable, je n’ai qu’une hâte c’est que la pente s’incline de nouveau fortement, pour retrouver des terrains techniques !  … et bien je sais pas finalement !!

 

 

 

Le final est une vraie boucherie ! Les 800 derniers mètres de dénivelé sur Cabrales se font sur une voie romaine à 20% de pente moyenne, avec des cailloux dans tous les sens ! Ultra-technique !! Et si vous rajoutez un peu de pluie par-dessus, ça donne une patinoire pour traileurs fatigués !! La sensation de courir sur des œufs pendant plusieurs km ! Kiko connaît le chemin sur le bout des ongles, c’est indéniable. D’ailleurs, je dois dire que sans le suivre de près, je pense que j’aurai perdu beaucoup de temps sur cette section, à la fois pour repérer la trace pas toujours évidente, et aussi par lassitude, je n’aurai pas eu le mental sur ces tronçons interminables ! Toujours est-il qu’à quelques kilomètres de l’arrivée, nous sommes toujours tous les 2 en tête de course. On commence à échanger  avec mes quelques mots d’espagnol … mais il est plutôt du genre timide. Il me propose quand même une arrivée à deux sur la fin de la voie romaine … il me semble que j’acquiesce sa proposition, car de toute façon, je n’aurais pu espérer mieux dans ce final tortueux et ‘’roulant’’, il aurait presque fallu une dernière grosse difficulté que je ressorte mes bâtons !!! Toujours est-il, à 2km de l’arrivée, les cailloux disparaissent, un beau chemin s’ouvre sous nos pieds, et voilà Kiko qui part presque au sprint !!!??? Difficile à comprendre … je relance également,
mon rythme est plus que soutenu mais impossible d’emboîter le pas !  Je poursuis, Kiko n’est plus là !! Le village est tout proche … je sens que je dévale les dernières pentes, et d’un coup, j’entends des grands coups de canon ! Cela signifie que Kiko est déjà arrivé !!!Incroyable, il me reste presque 1km à parcourir ???! Il a fini comme une bombe ! J’ai pourtant pas trainé, mais il a visiblement tout lâché, sur motivé certainement par cette arrivée dans son village, devant les siens ! C’est la course.

 

 

 


 

 

 

 

 

Finalement, c’est bien mérité, il a quand même fait toute la course en tête depuis le départ. Je l’ai inquiété dans la dernière ascension et lors de mon retour sur le dernier
ravito, mais guère plus. Je termine avec la satisfaction d’avoir fait une très belle course, inespérée au vue des conditions au départ, avec une très bonne gestion, une grande forme … et après avoir tenté ma chance ! C’est déjà énorme ! Me voilà dans les rues de Cabrales, et je passe sous l’arche en 12h11’ ! Les chronos sont excellents, puisque nous ne sommes qu’à quelques minutes du temps de référence réalisé par Txus Romon l’an passé, et Txus est un excellent coureur espagnol !! Quelques mots en espagnol au micro et la tv locale… place à la récup, des images pleins la tête ! Sébastian Sanchez, suivi de Salvador Calvo en termineront aux 3ème et 4ème place. Avec le Xteph, Armelle et Martxel, nous voilà en train de guetter le Bip-Bip et le Poulet encore présents sur les pentes des Picos ! Difficile de savoir où ils en sont, dans quel état … mais au final, ils
viendront à bout de ce gros défi à travers ces belles Montagnes ! Stéphane à la 40ème place, en 16h00, et le Poulet à la 162ème place, en 20h, tout au mental !!!!! Incroyable ! Au final, 3 sur 5 à l’arrivée, nous avons déjoué les statistiques !!!!!! et malgré une nuit
presque à la belle étoile (un tapis gonflable à même le béton sur le parking, juste caché derrière un comptoir de bar), c’est ravis 5/5 que nous avons repris la route le lendemain matin !!!!!!!! Avec une conviction, nous reviendrons dans ce Massif !!! Pour la course je ne sais pas, mais pour parcourir ces chemins lors de belles sessions c’est sûr !!!!!!!

 

 

 

 

 

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Infos coureurs : Sébastian Sanchez (3ème - ICI  ) - Salvador Calvo (4ème -  ICI

 

 

LE RECIT DE SALVADOR CALVO (7 Traversées à son actif dont 2 victoires! )

 

 

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VIDEO DU PASSAGE AU COL DE VALDOMINGUERO Km48

 

 

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REPORTAGE COMPLET Télévision ASTURIES

 

 

VIDEO RESUME

 

 

 

 

 

 

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En espérant que vous vous soyez régalés en lisant ce récit
de cet ultra montagnard à travers les Picos de Europa, la ‘’carrera de montana
mas dura del mundo !!!’’ !!!!!

 

A très bientôt pour la suite

 

Le Lémurien.



25/06/2012
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